Condamnée à l'exil et à l'errance, une femme se penche sur son passé, et en particulier ses premières années - celles qui l'ont " construite " - en y jetant le regard à la fois lucide et indulgent de l'adulte. Le propos n'est toutefois pas innocent. Ce que Taslima entend montrer par l'évocation de ses souvenirs, ce sont les travers de l'éducation des petites filles dans son Bangladesh natal, l'orientation sexiste qui préside à la manière de les élever. Très tôt, la petite Taslima prend conscience de l'attitude discriminatoire qui pèse sur elle, très vite cet esprit né rebelle exprime ses premières révoltes contre l'ordre établi, contre ce système fait pour brider sa vie entière. Et le lecteur assiste avec fascination à la naissance d'un caractère bien " à part " au sein de cette famille musulmane modeste mais cultivée, où l'influence d'une mère confite en dévotion est heureusement contrecarrée par celle, vigoureusement imposée, d'un père aux idées " modernes ".
C'est là le fil conducteur de ce vagabondage qui, suivant l'ordre insaisissable du réveil des souvenirs lointains, nous vaut un mélange de scènes parfois délirantes (telles les sessions chez le " pir ", par exemple, charlatan de première cuvée, ou bien le " dressage " des servantes), parfois pathétiques, souvent émouvantes et constamment révélatrices d'un monde différent. Le tout dégage une grande vitalité, une infinie saveur. On sent comme une gourmandise de l'auteur à rappeler son enfance et à en retrouver le langage vif et très leste. Taslima Nasreen, en se remettant, pour la première fois depuis son exil, à l'ouvrage littéraire, prouve avec force qu'elle est un véritable écrivain.
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