Extrait de la première partie--------

"Il était neuf heures du soir et au bord de cette tiède nuit d'avril, sur le boulevard de Clichy, la féérie quotidienne où la vie de beaucoup était engagée avait de la peine à s'organiser. L'éclat des enseignes et des bars était hésitant et faible et l'on eût dit que mauvais garçons et filles, pour se moquer des bourgeois et de la brigade mondaine qui les attendait déjà s'étaient attardés à respirer les lilas dans les bois de Meudon au lieu de reprendre leur faction au coin des rues, sur le terre-plein et au Clair de Lune.

Je m'arrêtai un moment à la sortie du métro Blanche et retrouvai l'odeur à la fois profonde et douce de la cour d'Hasserville, à la récréation du soir, à cet instant où j'eusse bien envoyé au diable les examens pour être libre de rêver dans le petit bois. Mais le temps des rêves était passé. Je traversai rapidement la chaussée et entrai au Graff. Ce n'était pas l'heure des entrées sensationnelles. Peu de monde. De vieux messieurs venus attendre beaucoup trop tôt un jeune ami, des gens qu'on ne remarque que lorsque l'on a absolument besoin de cent francs."