La mort de Pier Paolo Pasolini est d'une atrocité sans précédent dans l'histoire littéraire de tous les temps. Pourquoi parler d' « histoire littéraire » ? Parce que des morts tout aussi atroces ont lieu tous les jours mais en dehors de cette histoire, dans un monde de brutale nécessité dont les artistes, d'habitude, sont exclus du fait de l'activité même à laquelle ils se consacrent. D'autre part, ce qui frappe dans la fin de Pasolini est l'atmosphère « littéraire » de sa mort.
Dario Bellezza a voulu écrire un livre su cette mort controversée et significative. Il s'est tout de suite heurté à la difficulté principale : celle de décider si la mort de Pasolini est ou non en accord secret avec sa vie et son oeuvre. Autrement dit, si ce fut une mort accidentelle ou une mort prédestinée, logique, prévisible. Pasolini a peut-être « voulu » sa mort, en ce sens qu'il l'aurait choisie, l'aurait vue venir, l'aurait provoquée, l'aurait acceptée.
Bellezza a choisi, pour résoudre ce problème, un point de vue existentiel : il a cherché à revivre la tragédie de Pasolini autobiographiquement, en quelque sorte, c'est-à-dire - ses choix érotiques étant les mêmes que ceux de Pasolini - comme drame homosexuel. Son analyse fait coexister hasard et fatalité sans qu'ils s'excluent ni se contredisent. Il en résulte un portrait du poète assassiné au moment de l'assassinat ; un portrait à la fois exact dans ses détails et riche d'un sens particulièrement convaincant.

Alberto Moravia