Aline de Saint-Hubert (1874-1947) a la quarantaine quand elle rencontre Marie Delcourt (1891-1979) à Paris. La jeune femme, elle, « Arlonnaise de coeur », travaille à sa carrière de latiniste, d'helléniste, à sa réputation d'érudite. Son courage pour lutter à la fois contre le handicap (enfant, elle a eu la poliomyélite) et contre les préjugés misogynes de son temps éveille la sympathie de Madame Mayrisch. L'amitié d'Aline, dite Loup et de Marie est née, et elle survivra aux divergences d'idées – sur le mariage de Marie avec Curvers (1906-1992) notamment –, surmontera la longue séparation, les aléas de l'existence, et s'épanouira dans l'adversité : la mort d'Émile Mayrisch, d'Hélène Legros, comme les quatre années de guerre renforceront leur intimité. Certes ne nous sont parvenues qu'un peu plus d'une centaine de lettres de Loup et de Marie, mais ces précieux documents laissent entrevoir l'extraordinaire richesse de leur relation qui oscille du simple bavardage rassurant au commentaire culturel et philosophique, de la conversation la plus rationnelle à l'expression sincère d'une émotion qui ne se contient pas toujours. Cette correspondance devrait permettre aux historiens, aux sociologues de mieux cerner la nature et l'importance des réseaux d'intellectuels – on connaît déjà l'action d'Aline Mayrisch dans l'entourage d'André Gide ; Marie Delcourt est professeur à l'Université de Liège –, entre le Luxembourg, la Belgique, la France, voire la Suisse et l'Allemagne. Que l'histoire des femmes au xxe siècle, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, soit mieux connue, c'est un des enjeux de cette édition.